En 2005, un physicien américain, Jorge E. Hirsch, a élaboré un outil statistique qui permet de mesurer la productivité de tout chercheur. Il suffit pour cela de combiner deux variables. La première comptabilise le nombre d’articles publiés dans des revues répertoriées dans des bases de données. La seconde décompte le nombre de fois où ces articles ont été cités par des collègues dans leurs propres travaux. Vous écrivez dix articles dont personne ne parle, votre facteur H est de zéro. Vos articles sont cités six fois, votre facteur H est égal à six. Jusqu’alors, le jeu pourrait paraître amusant. En fait, ce système tend à s’imposer comme l’instrument d’évaluation des chercheurs, de leurs unités de travail, des écoles ou des universités qui les abritent et des pays dans lesquels ils travaillent. Le désormais fameux classement de Shanghaï trouve là son origine. On pourrait penser que cette unité de comparaison constitue un utile point de repère dans un monde de plus en plus mondialisé, mais ce serait admettre que la recherche fonctionne exactement sur le modèle d’un marché global. Ce qui peut se comprendre pour certaines disciplines, la physique par exemple, est plus mal venu pour des disciplines comme le droit ou les sciences sociales. Par ailleurs, la détermination des revues à faible ou à fort impact obéit à des critères parfois un peu troubles. Enfin, les milieux de la recherche commencent à percevoir les inconvénients d’un tel système. Ainsi, un article polémique mais à faible intérêt suscitant débats et critiques bénéficiera d’un fort facteur d’impact, alors que tel autre totalement novateur pourra être laissé de côté. Des secteurs entiers, en dehors des champs académiques, comme le handicap, la pauvreté ou le travail social, restent à l’écart des labellisations des bases de données. À l’occasion des débats sur les réformes universitaires, cette question a été parfois abordée. Gageons qu’elle devrait resurgir.