Qu’il s’agisse d’obtenir le CAFDES, de préparer le DSTS, ou bien encore de suivre un cursus de seconde année de master, la rédaction d’un mémoire est une activité solitaire qui se déroule presque toujours en parallèle d’une activité professionnelle. Les premières pages de ces travaux témoignent régulièrement de cette culpabilité d’avoir mis de côté, pour quelques mois, voire une année ou deux, des enfants, un compagnon ou une épouse. Les dédicaces disent aussi, un peu naïvement, combien a été utile une présence affective ou amicale pour mener à bien dans la durée un engagement de recherche et d’écriture. Mêmes si leurs auteurs n’occupent pas toujours une activité professionnelle, les thèses, par leur amplitude et le caractère fort de l’engagement qu’une telle démarche suscite, font apparaître aussi de semblables dédicaces et leurs pages de garde ne comportent pas que des hommages respectueux aux maîtres. La recherche dans les sciences humaines et sociales reste encore largement l’affaire d’individus travaillant seuls ou s’entourant d’assistants ou d’élèves dans une relation d’apprentissage quant ce n’est pas de dépendance. Cette image qui conforte bien les impétrants fabricateurs de mémoires qui retrouvent là leurs pratiques quotidiennes est pourtant en train de s’estomper. Toutes les réformes en cours visent, sous des formes différentes, à construire des équipes plus conséquentes. Les regroupements au sein du CNRS, la création des unités mixtes de recherche (UMR) obéissent au même objectif : la course à la taille. Ce mouvement n’est pas que franco-français. Pour pouvoir accéder aux appels d’offres du 7e programme communautaire de recherche, il faut présenter des projets à plusieurs équipes et suffisamment lourds pour pouvoir prétendre à des budgets d’au moins cinq zéros. Cela sonne la fin des discours sur une recherche autonome dans le secteur social, recherche portée par une ou deux personnes dans un institut de formation. Une organisation, nouvelle, européenne, ouverte sur les centres de recherche labellisés, est à construire.